Les relations sont comme la mer,
PRĂCISION PRĂLIMINAIRE IMPORTANTE : Je suis un homme blanc cisgenre avec un passing d’hĂ©tĂ©ro. Le prĂ©sent article reflĂšte donc le point de vue d’un homme blanc cisgenre avec un passing d’hĂ©tĂ©ro sur cette question et ne saurait donc prĂ©tendre Ă l’objectivitĂ© ou Ă l’universalitĂ©. Le point de vue duquel on parle a toujours une influence sur ce que l’on dit. Cet article comporte donc probablement plusieurs biais (que vous pouvez me signaler afin que je l’amĂ©liore). MĂȘme si j’ai pris un certain soin Ă l’Ă©crire afin d’Ă©viter de tomber dans les biais les plus Ă©vidents, je ne peux absolument pas garantir qu’il en est exempt. Ne vous contentez pas de la lecture de cet article pour vous faire une idĂ©e sur la question. Je vous invite Ă lire notamment ce que des autrices fĂ©ministes, des auteurs et des autrices racisé·e·s, ont pu Ă©crire sur ce sujet. Le prĂ©sent article s’adresse surtout Ă mes pairs et essaye de s’inscrire dans une dĂ©marche d’alliĂ©. Je ne sais pas jusqu’Ă quel point il y parvient, mais la bonne volontĂ© est lĂ . N’hĂ©sitez pas Ă me faire part de toute remarque que vous jugeriez opportune afin que je puisse l’amĂ©liorer.
Un certain nombre de fĂ©ministes radicales [âŠ] m’ont dĂ©jĂ fait cette remarque que le polyamour serait une arnaque des hommes (comprendre : des hommes cishet) pour exploiter sexuellement le corps des (personnes perçues comme) femmes. C’est une remarque que j’avais trouvĂ©e quelque peu blessante, j’avoue, quand on me l’a faite. Une remarque qui me paraissait Ă©videmment Ă cĂŽtĂ© de la plaque, puisque :
- le polyamour n’implique pas nĂ©cessairement de relations sexuelles ;
- le polyamour n’implique pas nĂ©cessairement de relations entre des hommes (cishet) et des (personnes perçues comme) femmes ;
- le polyamour suppose que toutes les personnes concernées sont consentantes ;
- le polyamour suppose que toutes les personnes concernĂ©es peuvent avoir Ă©galement d’autres relations intimes.
[âŠ] Je n’ai rien contre le fĂ©minisme radical, bien au contraire. Ce mouvement, comme beaucoup de mouvements, prĂ©sente une diversitĂ© d’opinions, et on y trouve donc des anti-polyamour… Elles sont cependant minoritaires Ă ce que je vois. Un plus grand nombre de fĂ©ministes radicales ont une attitude neutre voire amicale envers le polyamour. Il me semble qu’il y a mĂȘme davantage de fĂ©ministes radicales elles-mĂȘmes polyamouristes qu’il n’y a de fĂ©ministes radicales anti-polyamour. Ce constat n’a toutefois aucune prĂ©tention scientifique et reflĂšte seulement ma modeste expĂ©rience des fĂ©ministes radicales. Un gros biais, dans l’affaire, c’est que j’Ă©vite de cĂŽtoyer de trop prĂšs des personnes qui pensent que quelque chose qui me tient Ă cĆur est immoral… Toutes les fĂ©ministes radicales ne sont donc pas anti-polyamour. Toutefois, il n’y a guĂšre que chez les fĂ©ministes radicales que j’ai vu ce genre d’opposition au polyamour. L’autre grand courant qui est le fĂ©minisme dit « pro-sexe » peut difficilement compter dans ses rangs des personnes anti-polyamour (Ă raison, certaines personnes de ce courant du fĂ©minisme prĂ©fĂšrent parler de « pro-choix », puisqu’il ne s’agit pas de dire que le sexe c’est forcĂ©ment bien et que tout le monde devrait en faire, mais seulement de lever un certain nombre d’injonctions rĂ©pressives au sujet du sexe).
Alors, qu’en est-il ? Le polyamour est-il une arnaque des hommes (cishet) pour exploiter sexuellement le corps des (personnes perçues comme) femmes ?
(Spoiler :
L’anarchie relationnelle, comme refus de l’essentialisme en matiĂšre de relations interpersonnelles, ne pose aucune hiĂ©rarchie a priori entre, d’une part, les relations amicales platoniques, d’autre part les relations romantiques et/ou sexuelles (alors qu’habituellement, les relations amicales platoniques sont subordonnĂ©es aux relations romantiques et/ou sexuelles). L’investissement spirituel, temporel, physique et Ă©motionnel pouvant ĂȘtre similaire nonobstant les aspects proprement romantiques et/ou sexuels, cela conduit Ă un Ă©clatement des Ă©tiquettes traditionnelles « ami-e », « amantâe », « relation non-sexuelle », « relation sexuelle », etc. au profit d’un continuum relationnel dont les modalitĂ©s concrĂštes sont entiĂšrement dĂ©finies par les concernĂ©-e-s, sans Ă©gard pour les normes relationnelles classiques, lesquelles peuvent ĂȘtre rĂ©sumĂ©es par l’expression de norme romantico-sexuelle. L’anarchie relationnelle, en somme, constitue une subversion de la norme romantico-sexuelle, cette norme qui nous dit que les relations romantiques et/ou sexuelles constituent le pinacle de notre vie sociale et affective, et qui les cloisonne bien des relations de nature amicale platonique.
Une brochure format plaquette Ă plier en trois pour expliquer le polyamour, l’anarchie relationnelle, leurs valeurs Ă©thiques fondamentales et rĂ©pondre Ă quelques prĂ©jugĂ©s / idĂ©es reçues. Pratique en sociĂ©tĂ© pour rĂ©pondre aux inĂ©vitables sollicitations sur le sujet lorsqu’on est out.
synthese-polyamour-brochure4
PrĂ©ambule : Ce texte est rĂ©digĂ© dâun point de vue masculin cisgenre et hĂ©tĂ©rosexuel. De fait, il me semble que lâattitude dont il est question touche essentiellement (mĂȘme si pas exclusivement) des hommes cis dans des relations hĂ©tĂ©rosexuelles. Par ailleurs, je ne me sens pas lĂ©gitime pour expliquer aux personnes qui ne sont pas des mecs cis hĂ©tĂ©ros comment elles doivent envisager leurs relations. Toutefois, il nâest pas impossible que ce texte puisse parler dans une certaine mesure Ă ces personnes. Si tel est le cas, tant mieux.
Partons dâune situation assez classique :
Un homme rencontre une femme, iels sympathisent, iels sâentendent vraiment bien, iels rigolent beaucoup ensemble, vont au resto et au cinĂ© ensemble, dansent ensemble, etc. A un moment, lâhomme fait comprendre Ă la femme quâil aimerait bien « aller plus loin », ce qui, dans lâesprit des deux, veut souvent dire : « entamer une relation de nature sexuelle, voire romantico-sexuelle » (avec potentiellement tout le package habituel qui est livrĂ© de sĂ©rie et comprenant : vie de couple, projets de vie, gros achats communs, se balader main dans la main dans la rue en se faisant de temps en temps des bisous sur la bouche et en sâappelant par les surnoms dâusage comme : « mon amour », « mon/ma chĂ©ri-e », etc.). Et lĂ , la femme fait comprendre Ă lâhomme quâelle nâest pas intĂ©ressĂ©e par ce « plus loin », dâoĂč sâensuit gĂ©nĂ©ralement un malaise chez les deux.
Il va bien falloir que je me rende Ă l’Ă©vidence, je suis aromantique. Peut-ĂȘtre pas complĂštement, mais en tout cas je fais partie du spectre, comme on dit chez les aros/aces. C’est une prise de conscience qui fut longue, complexe et douloureuse. Elle ne manquera sans doute pas d’Ă©tonner bon nombre d’entre vous. D’une certaine maniĂšre, je suis le premier Ă©tonnĂ©.
ADDENDUM du 15 novembre 2016 : Suite Ă quelques remarques fort pertinentes m’ayant Ă©tĂ© faites, je me permets de prĂ©ciser que le domaine de validitĂ© de ce qui est exposĂ© ci-aprĂšs se limite aux cas :
- des relations interpersonnelles Ă©galitaires : pas de rapports de domination entre les deux personnes (ex. : deux hommes blancs cisgenres homosexuels, deux femmes noires transgenres lesbiennes, etc.) ;
- et/ou des relations interpersonnelles, mĂȘme inĂ©galitaires, pour peu que la personne en position de domination soit suffisamment dĂ©construite pour tenir pleinement compte de la personne en position de dominĂ©e, afin de restaurer un maximum d’Ă©galitĂ© dans la relation (ex. : une femme noire cisgenre hĂ©tĂ©rosexuelle et un homme blanc cisgenre hĂ©tĂ©rosexuel qui soit un vĂ©ritable alliĂ© aux causes fĂ©ministe, antiraciste, et Ă l’intersection entre ces deux causes).
Dans les autres cas, ce que cet article s’attache Ă critiquer peut ĂȘtre parfaitement comprĂ©hensible par mesure de prudence et de dĂ©fense contre des comportements abusifs.
Cher-e-s ami-e-s lecteurices,
Imaginez une conversation entre deux personnes, X et Y. X confie Ă Y qu’iel est super content-e car il y a du soleil chez ellui. Suite Ă cette dĂ©claration, Y a un mouvement de recul, se met Ă pĂąlir, et explique, gĂȘnĂ©-e : « Ah, je ne me doutais pas du tout qu’il y avait du soleil chez toi. Ăcoute, je suis navrĂ©-e pour toi, mais chez moi il pleut, donc je crois qu’il serait prĂ©fĂ©rable qu’il puisse pleuvoir aussi chez toi. J’espĂšre que tu ne m’en veux pas. »
Un tel discours, de la part de Y, peut sembler totalement singulier. Il l’est, en effet. Et pourtant, c’est un discours trĂšs frĂ©quent… non pas quand il s’agit de commenter la mĂ©tĂ©o, mais lorsqu’il s’agit d’amour. Lire la suite
Commentaires récents